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15-09-2018

Randonnée kayak aux Shetlands


Jean Marc Janvier sillonne les côtes avec son kayak depuis des années. Au printemps dernier, il est allé du coté des îles Shetland – archipel le plus au nord du Royaume-Uni.

Son récit agrémenté de quelques photos …
SHETLAND, dans mon rêve je t’avais parée d’une robe arctique, je t’ai découverte vert pâturages et collines aux courbes douces.

Au fil des jours mes préjugés sont tombés en désuétudes. Maintenant au moment de te quitter j’ai la certitude de t’avoir juste effleurée. Dans ton dédale d’îles, le tracé de notre route reporté quotidiennement sur la carte nous a tenue en haleine. Cette trace, nous la voulions belle, esthétique, en être fier aussi.

SHETLAND, je sais bien que notre trajectoire dépend entièrement de ton humeur, tu nous a accueillis très amicalement avec un superbe anticyclone un brin polaire qui a duré tout notre séjour, nous, avec notre inconscience, nos bateaux ridiculement minuscules. Complaisamment tu nous a laissé vivre notre vie au gré de notre imagination et de notre envie de trace.

SHETLAND, nous pourrons juste imaginer ta mauvaise humeur légendaire à partir de souvenirs : « Aux Shetland espère juste pouvoir pagayer 1 jour sur 3 ! », et le témoignage de l’habitant de l’ancienne usine à poissons à Herma Ness : « vous voyez cette dalle de béton propre et nette ? Il y avait ici un garage, il s’est envolé avec une tempête » L’homme saisit une poignée de gravât sur le sol : «  crumble ». J’ai bien remarqué qu’ici tout est bien fixé au sol avec des poids et des cordes et toutes les personnes rencontrées sont unanimes pour dire que le plus difficile à vivre dans ces contrées du 60° nord c’est le VENT !

 Josée et moi sommes partis du port de Scalloway situé sur la côte ouest à la hauteur de Lerwick, la « capitale » le vendredi 25 mai, nous arriverons à Lerwick le vendredi 8 juin après 160 milles de pagayage.

L’île de Papa Stour a été une très belle escale dès le 2 ème jour de navigation, c’est un véritable gruyère de grottes et la pointe de l’ouest avec son pic vertigineux nommé « chas de l’aiguille » a été mémorable !
Les oiseaux marins sont omniprésents sur l’eau et les falaises.
Nous avons aussi beaucoup appréciés les œufs de poules offerts par le jeune couple et leur bébé rencontrés le soir, eux vivent la semaine juste en face sur « Mainland »puis viennent le week-end goûter à la solitude extrême de Papa Stour.

Nos petites voiles sont gonflées par un bon vent du sud certainement trop puissant pour passer Esha Ness ce jour là. Nous rejoignons Mavis Grind : c’est un passage original, avec juste une route à traverser à pied qui permet à de petites chaloupes transportables de passer de l’océan Atlantique à la mer du Nord en s’affranchissant des difficultés et des écueils des falaises du nord des Shetland. Notre attention est attirée par des blocs de béton éparpillés sur la gréve, il s’agit de vestiges de la guerre destinés à fermer ce passage tout compte fait stratégique. Suit une jolie transition au cœur des îles Mainland, Yell, Unst.

 A la sortie de Sullom Voe nous ne sommes pas passés inaperçus en longeant le « terminal oil », il est vrai que nous naviguions à l’intérieur de grosses bouées jaune surmontées de croix, nous avons été survolé à 3 reprises par l’hélicoptère de surveillance.

Herma Ness est le cap le plus nord de l’UK, c’est le passage symbolique de l’océan Atlantique à la mer du Nord. Eole sympa nous permet d’y monter gentiment. Nous longeons Yell et Unst, une jolie trace ma foi. Le nord de Unst est forcément plus délicat particulièrement entre Holm of Ness et Lamba Ness, les Instructions Nautiques mentionnent un violent raz, faut pas déconner ! Nous passerons la pointe en 2 étapes. Herma Ness est une longue et formidable falaise couverte d’oiseaux, particulièrement des fous de Bassan, mais aussi fulmars, pingouins, quelques macareux et le pirate de la mer : le grand labbe !
Poussés par la houle Le passage entre la côte et le phare,est de toute beauté, une vraie belle journée de mer avec le calme retrouvé au fond de Burra Firth.

Nous prenons une journée de repos pour visiter à pied la réserve naturelle de Herma Ness, dédiée au grand Labbe.

Le brouillard nous surprend en mer entre au passage du nord de Unst, une vraie purée de poix qui réveille et aiguise les sens : surtout ne pas perdre le fil d’Ariane de la côte ! Pour naviguer nous utilisons juste la carte marine et des courants, le compas, une montre et l’indispensable « fil à noeud » véritable GPSP ( Global Positionning Sans Piles). Ne pas se perdre l’un et l’autre est notre priorité avec une visibilité réduite à 50 m, heureusement la mer est calme et le raz de Lamba Ness avec juste un gros dos rond nous fera une gentille démonstration de son existence.

Rapide escale à Fetlar, le beau temps persiste, nous osons une escapade au large, voir Out Skerries à la recherche d’un dépaysement plus insulaire, 3 heures de traversée, mer plate, facile, l’équipage commence à se roder.

 Out Skerries vante sur les dépliants touristiques les mérites de leur organisation coopérative avec notamment leur élevage de saumons, ils produisent le meilleur saumon du monde du fait de la pureté de l’eau. Nous découvrons une réalité différente, les cages à saumons sont toutes abandonnées, à terre nous voyons des réservoirs vides de produits de traitement pour les poux, tiens ça me fait penser que la Norvège est confronté à la même problématique. Les poux ont ils gagnés ?

Shetland, c’est pour moi le moment de parler d’un sujet qui m’attriste beaucoup. Voilà, j’essaie de m’expliquer. Depuis le début de ce voyage je ne parviens pas à pêcher un seul poisson, d’ailleurs cela va durer jusqu’à la fin du séjour, pas faute d’avoir essayé. J’ai l’impression que la mer qui t’entoure est vide de poissons. Les indices sont nombreux : méduses, pas de poissons fourrage visibles, très rares pêcheurs côtiers par contre de nombreux élevages de saumons, moules ainsi que plate-formes pétrolières et gaz.

Dans des temps pas très anciens les pêcheries étaient nombreuses, avant le lieu noir était l’anti disette, au menu matin, midi et soir, aujourd’hui le lieu noir a disparu, le hareng a disparu, la morue fait de rares apparitions, le maquereau est la nouvelle espèce qui arrive en août, merci le réchauffement climatique ! Je fais juste le constat qu’il est possible de vider la mer.

Pour améliorer notre ordinaire nous trouverons haricots de la mer, bigorneaux, moules parfois et de magnifiques œufs de poules vivant en plein air et se nourrissant d’algues et de puces de mer sur les grèves !

Nous avons la chance de rencontrer la star Wally le morse égaré. Nous faisons escale au même moment sur Outer Skerries. Wally semble se contenter de peu, quelques blocs de roches sont suffisant pour ses longues siestes à marée basse la tête soutenue à l’horizontale par ses défenses usées, bâillements, raclements, arrivera t’il à rejoindre le nord ?

Retour à Lerwick, nous posons les pagaies et complétons la découverte de ces îles en voiture quelques jours avant de reprendre le chemin de la maison : un ferry, 1000 km de routes, deuxième ferry et nous voilà de retour à Roscoff un matin brumeux.

Nous remercions vivement encore une fois nos kayaks Catchiky Jonathan et Triskell pour le beau voyage qu’ils nous ont permis de vivre.

Jean-Marc J


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